Les bols tibétains sont ils originaire du Tibet ? Pas si sûr, les historiens situent plutôt l’origine des bols chantants en Chine au seizième siècle
Selon les recherches d’ethnomusicologie (Mireille Helffer – CNRS éditions), Les bols tibétains, ou bols chantants, sont apparus sous la forme qu’on leur connaît dans les années 70 alors qu’ils étaient jusque-là inconnus au Tibet. Comme le précise wikipédia, leur fabrication au Népal et en Inde s’est répandue pour répondre à la demande des touristes occidentaux suite à l’engouement pour la musique de relaxation, et au succès du disque « tibetan bells » de Henry Wolff et Nancy Hennings.
Origine des bols chantants dits « bols tibétains »
Si on parcourt certains sites internet consacrés à la méditation ou à la thérapie avec les bols chantants, il n’y a pas de doute : les bols chantants sont une tradition tibétaine ancestrale pré-bouddhique.
Mais ce n’est pas ce que nous disent les musicologues et les archéologues qui situent la première utilisation de bols chantants en Chine au XVIIème siècle puis son adoption au Japon.
La question n’est pas de savoir si on fabrique des bols chantant au Tibet aujourd’hui. Il n’y a pas de doute là dessus, la question soulevée dans cet article est celle de leur origine historique (ou pré-historique)
Sources de connaissances historique sur les bols chantants :
Il n’est pas facile de trouver une documentation sur les origines historiques et les traces archéologiques des premiers bols tibétains. Je me suis appuyé sur l’ouvrage :
« Mchod-rol, les instruments de la musique tibétaine » de Mireille Helffer – CNRS éditions
Que vous pouvez trouver chez Cultura
Une autre source à ce sujet est un article
« Nom, objet et usage : le bol qing ponctuant la psalmodie bouddhique » de François Picard, en libre accès sur Hall open science.
Enfin, la page en anglais de Wikipedia sur les « standing bowl » est assez complète sur la question de leurs origines.
Le plus vieux témoignages écrits de bols chantants
La plus vieille gravure connue d’utilisation de bol chantant date de 1572 après J-C et montre un petit modèle.
La deuxième plus vieille gravure date de 1610 après J.-C. On voit clairement un moine Bouddhiste jouant de l’instrument. La forme des baguettes suggère cependant qu’il l’utilisait comme une cloche sans utiliser les propriétés d’émission du son par friction.
Pas de traces archéologiques de bols chantants tibétains
En archéologie, le manque d’objet n’est pas une preuve. En effet les sites archéologiques étant rares, ce n’est pas parce qu’on ne trouve pas un objet qu’il n’a pas existé.
Cette source semble donc indiquer que l’origine des bols chantants utilisés au Japon et en Chine est relativement récente est ne provient pas du Tibet.
« Le bol est une cloche de bronze en forme de bol. Sa hauteur courante est d’une vingtaine de centimètres, mais des exemplaires de grande dimension (jusqu’à un mètre de haut) existent dans les grands temples, en particulier au Japon. Son nom originel comme sa forme attestent que l’objet lui-même est dérivé des bols des moines-mendiants indiens. Si la cloche en forme de bol était venue normalement avec le bouddhisme par la Route de la soie, on s’attendrait à la trouver dans les milliers de peintures des grottes de Dunhuang, au débouché du désert de Gobi. Il n’en est rien, bien qu’on trouve des instruments nouveaux, parmi lesquels des cymbales, des gongs et des cloches à battant interne. Elle est pareillement absente des instruments des Tang importés au Japon et préservés au musée impérial Shōsōin »
Pas de trace de bol chantant chez les musicologues du Tibet
L’ouvrage de référence sur les instruments de musique du Tibet de Mireille Helffer permet de connaître les instruments utilisés au Tibet avant les années 70 et le mouvement « new-age » (rien de péjoratif dans mon esprit sur ce terme fourre tout) .
Citation :
« Que ces bols proviennent des régions himalayennes paraît peu contestable, et il n’y a pas lieu de s’en étonner, étant donné les compétences reconnues des bronziers Néwar de la vallée de Kathmandu, et les traditions bien établies du travail des métaux en Assam, mais sont-ils tibétains ?
Un premier point d’importance retient l’attention : il ne semble pas y avoir de terme tibétain pour désigner de tels bols. Aucun ouvrage tibétain ne mentionne de tels objets et le rtags-dpyad d’Humkara Dzaya, qui examine en détail les propriétés des cloches, des différents types de cymbales et des gongs, n’en parle pas. Aucun des musicologues (Crossley-Holland, Vandor, Ellingson, Canzio) qui se sont penchés sur la musique tibétaine depuis les années 1960 n’a fait allusion à l’existence de « bols sonores », et je n’en ai jamais vu utilisés dans les monastères que je visite régulièrement en Inde et au Népal depuis 1973. «
Un extrait plus complet du passage du livre est accessible à cette adresse :
https://books.openedition.org/editionsmsh/7360?lang=fr
Mais je ne recommanderai jamais assez au lecteur de se procurer le livre complet, indispensable à tout amateur ou curieux de la musique tibétaine ancienne.
La page Wikipedia en anglais (sur les standing bowls ) est bien plus complète que celle en français j’en ai traduit une partie (ou plutôt je l’ai donnée à traduire à DeepL) :
Bien qu’il soit parfois affirmé que les ” bols chantants tibétains ” remontent à une tradition Bon-Po pré-bouddhiste et chamanique, la fabrication et l’utilisation de bols spécifiquement destinés à ” chanter ” (par opposition aux cloches ou bols sur pied destinés à être frappés) seraient un phénomène moderne. De tels bols ne sont pas mentionnés par Perceval Landon (un visiteur en 1903-1904) dans ses notes sur la musique tibétaine, ni par aucun autre visiteur. De même, bien que des missionnaires intéressés par les pratiques de guérison traditionnelles tibétaines aient noté des sons de sonnerie et de cliquetis, ils ne mentionnent pas de bols chantants. Les objets souvent appelés “bols chantants tibétains” et commercialisés comme instruments rituels tibétains ont été appelés “produits du dharma”, qui proviennent en fait du nord de l’Inde ou du Népal et ne sont ni tibétains ni d’origine rituelle.
Mais alors pourquoi parle-t-on de bols tibétains et pas de bols chinois ou de bols japonais ?
Les références aux cultures chinoises et japonaises ne manquent pourtant pas dans les milieux new-age ou pour les personnes qui pratiquent la méditation.
Le début du phénomène en occident
Le premier enregistrement de bols chantants est un album Henry Wolff et Nancy Hennings – Tibetan Bells (1972).
On peut penser que l’origine tibétaine accolée aux bols chantants provient du succès de cet album qui marque les débuts de la musique new-age.
Les bols tibétains antiques une arnaque ?
Lors de ma recherche sur l’histoire des bols tibétains je suis tombé sur un ouvrage (en anglais, je ne sais pas s’il y a une édition en français) très bien écrit :
« The singing bowl book ». L’auteur, Joseph Feinstein est présenté comme l’expert numéro 1 mondial des bols tibétains. Il défend de façon très convaincante (mais non sourcée) une origine multimillénaire des bols tibétains au croisement des cultures du moyen orient et de l’Asie.
Vous pourrez acheter sur son site des bols tibétains du dix-septième siècle (après J-C, n’exagérons rien) certifiés par lui même en promotion à 999$. Dépêchez vous, les nombres sont limités. Certains bols sont en vente à plus de 5000$ !
Tibétains, chinois, japonais ou indiens, qu’importe le bol pourvu qu’on ait la bonne vibration
Alors, soit appelons notre bol chantant bol tibétain si on veut.
L’important c’est l’acoustique et la relation qu’on entretien avec l’instrument.
Par contre, méfiance avec les marchands de bols tibétains « antiques », il est hautement improbable (pour ne pas dire impossible) qu’ils datent d’avant les années 70.
Et vue la matière dont sont fait les bols tibétains, il n’y a aucune raison que le son se modifie dans un sens comme dans l’autre avec l’âge.
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